Passion pour les techniques d'antan, y compris dans leurs applications modernes
Expérience, recherche et autodidaxie
Après avoir travaillé 35 ans comme peintre-tapissier, Jos Deconinck aurait pu profiter tranquillement d'une retraite bien méritée, mais l'amour du métier en a décidé autrement. "Au cours de ma carrière, j'ai assisté à une grande évolution dans les produits et les projets. J'ai travaillé comme salarié pendant des années et je me suis de plus en plus interrogé sur les problèmes, notamment sur les techniques de peinture d'autrefois. En effet, l'artisanat purement "classique" est en voie de disparition, principalement par manque d'intérêt. C'est regrettable. C'est pourquoi, il y a dix ans, j'ai décidé de me mettre à mon compte et de m'y consacrer entièrement. J'ai fait beaucoup de recherches et de nombreux essais jusqu'à maîtriser la technique. Notamment parce que ce que je fais suscite l'intérêt, par exemple de la part de personnes qui ont acheté des biens anciens et qui découvrent des éléments de décoration qui leur plaisent. Il s'agit souvent d'anciennes techniques de marbrerie, d'illusions d'optique (trompe-l'œil), de métallerie, de plein bois et d'éléments "art déco" très en vogue dans l'entre-deux-guerres. En fait, ce sont toutes des techniques qui demandent beaucoup de travail. Mon but n'est pas de me contenter de les copier, mais de m'en inspirer en ajoutant une touche de modernité. Par exemple, j'aime travailler avec des structures et je développe moi-même de nombreuses créations, ce qui me permet de réduire les coûts. Ce qui ne veut pas dire cela prend moins de temps, bien au contraire".
Rupture avec les tendances
Avec sa passion, Jos entend créer une rupture avec les tendances actuelles. "Beaucoup de particuliers sont dans le même moule, si je puis m'exprimer ainsi. Malgré une excellente exécution, bon nombre de projets manquent de variété, de créativité. J'essaie toujours d'obtenir carte blanche. Bien souvent, on réalise des études et des designs préliminaires pour aboutir à un résultat parfait. Lorsque vous avez effectué le travail et qu'il est apprécié, c'est très satisfaisant. Je recherche consciemment des produits et des matières premières que je peux facilement travailler. C'est pourquoi je choisis souvent les peintures à la chaux de la marque française Ressource., par exemple. Elles permettent de réaliser un travail de qualité, comme c'était le cas autrefois, mais sans une exécution trop complexe".
Anciennes maison de maître
Jos nous montre des choses que l'on n'imaginerait jamais réalisées avec de la peinture. Nous appelons cela de l'art, mais il n'est pas d'accord : "Je préfère appeler cela de l'artisanat à l'état pur".
Mais qui sont donc ces clients qui, au mépris des tendances contemporaines, optent encore pour les techniques de peinture d'antan ? "Il s'agit souvent de personnes qui vivent dans des maison de maître à Anvers ou Bruxelles, par exemple. Dès l'entrée, on remarque au rez-de-chaussée de belles finitions et décorations en marbre coûteux et d'autres éléments du même genre. Dans les étages, cela se transforme en "peinture", utilisant des techniques spéciales pour obtenir le même effet. Parfois, on ne se rend même pas comte qu'il s'agit de peinture, ce qui est bien sûr le but de ces techniques de peinture sophistiquées d'antan. Et c'est exactement ce que je veux honorer avec mon travail. Mais il y a aussi beaucoup d'autres clients, tout le monde peut venir me voir pour un projet. Les magasins, les restaurants et, bien sûr, les particuliers qui recherchent quelque chose de 'différent' pour leur maison".
Dans les gènes... et les livres
Jos nous montre quelques panneaux, en guise d'illustration des techniques qu'il utilise et du genre de projet qu'il effectue pour les clients. Spontanément, on s'interroge : comment et où apprendre ces techniques ? "Je viens d'une famille de peintres. Grands-parents, oncles... le métier est dans la famille depuis longtemps. Je pense que c'est inscrit quelque part dans mes gènes, mais j'ai principalement appris en autodidacte, en étudiant patiemment de vieux livres, par exemple. J'ai récemment mis la main sur un ouvrage intéressant sur un marché à Gand. Un achat unique parce que le livre est encore complet. Il contient des documents datant du début des années 1900, mais je pense que l'ouvrage lui-même est encore plus ancien. Il est rempli de marbres pleins et même de bois pleins. Grâce à mon expérience et à de nombreux essais et erreurs, je me suis approprié ces techniques. Lorsque vous peignez à l'huile, vous avez le temps d'exécuter ces techniques avec précision et de créer des textures. Je ne suis pas dans le domaine de la restauration, qui est très spécifique et exige des licences que je n'ai pas. Je travaille presque exclusivement à titre privé, précisément parce que je peux faire ce que je veux, mais avec de la peinture naturelle".
La nature comme source d'inspiration
Jos a un faible pour les structures. "Souvent, elles proviennent de la nature, de choses qui attirent mon regard lors de mes promenades, comme des écorces. Je les ramène à la maison et je les utilise dans mon travail, par exemple pour faire un collage. On découvre toujours de nouvelles choses que je peux ensuite faire voir aux gens pour les inspirer. En général, il s'agit de sur-mesure pur et simple, comme ces socles que nous voyons ici et qui ont été commandés par une galerie d'art. Mais il peut aussi s'agir de la finition d'un mur d'accent, tandis que le reste de la pièce a une finition classique. Tout est fait 100 % au pinceau par mes soins, c'est une règle à laquelle je ne déroge pas. Même les parties qui peuvent être réalisées avec des techniques ordinaires contemporaines. Lorsque je passe quelque part, on peut voir "ma patte" dans le travail fourni, pour ainsi dire. D'autres peintres me demandent aussi régulièrement de résoudre certains problèmes, parce que les jeunes n'ont tout simplement pas l'expertise nécessaire. S'agit-il d'un manque d'intérêt ? Je ne pense pas, ce n'est tout simplement plus enseigné. Du coup, difficile de se passionner pour le sujet".
Formation approfondie
Le travail ne manque pas. Jos dispose d'une belle clientèle, mais songe tranquillement à se retirer. "Je cherche un successeur depuis un certain temps, c'est vrai, mais ce n'est pas évident. Apparemment, c'est trop complexe pour la plupart des professionnels, même si ce n'est pas mon ressenti. Sans vouloir dénigrer les systèmes de peinture modernes, ceci dit, qui bien souvent ne sont pas aussi simples qu'on ne le pense lorsqu'on est extérieur au métier. Après tout, de nombreuses marques de peinture ont des techniques spécifiques, pour lesquelles il faut aussi une certaine expertise. Mais ce sont des choses que l'on peut apprendre relativement rapidement lorsqu'on est peintre professionnel - et que l'on doit ensuite continuer à perfectionner. Ce que je fais nécessite un processus plus long. Vous pouvez éventuellement suivre une formation approfondie comme celle qui dispensée à Bruxelles à l'Institut Van der Kelen (la seule école d'art au monde qui enseigne les techniques de décoration traditionnelles depuis 1882, ndlr.)".
Peinture de Paris
Le côté unique est un élément important du travail de Jos Deconinck. "Ce sont des techniques qui existent depuis longtemps, c'est vrai, mais le travail réalisé reste toujours unique. Je ne travaille pas en série, ce que vous trouvez chez moi est vraiment spécifique à chaque client".
L'exemple suivant est un escalier exécuté en "imitation bois avec patine", où l'on voit parfaitement les traits de scie. "Soyons clairs : il ne s'agit pas de traits de scie "originaux" ou d'altération du bois, mais uniquement de peinture, qui est patinée. Cette technique, appelée "peinture de Paris", est une technique élégante d'imitation du bois qui était autrefois réalisée à la peinture à l'huile. Un travail laborieux, mais dont la couleur ne gardait malheureusement pas toujours son éclat. Grâce aux propriétés des produits actuels, je peux obtenir un résultat identique en un temps relativement court tout en conservant les couleurs. Ici, j'ai travaillé avec plusieurs couches de vernis acrylique PU coloré. J'ai des escaliers qui sont peints de cette manière depuis 20 ans dont l'aspect n'a pas bougé d'un iota".
Une seconde vie
Ce que Jos fait aussi régulièrement, c'est récupérer d'anciens matériaux de décoration ou de vieux meubles pour leur donner une seconde vie. "Pour moi, c'est le prolongement idéal de mon activité de décorateur. Les moulures et les impressions anciennes ou les vieux panneaux massifs sont des matériaux de travail parfaits. Les gravures des années 1970 et les cadres peuvent également apporter une valeur ajoutée aux intérieurs modernes. Les meubles anciens et usés sont généralement jetés ou laissés à l'abandon dans le grenier. Cependant, avec des techniques de peinture, des couleurs, des motifs et des textures appropriés, on peut réaliser beaucoup de choses et leur rendre une place de choix au coeur de l'intérieur".
En utilisant la technique du sur-ponçage, Jos donne aux meubles neufs un aspect plus ancien. "On combine ensuite les couleurs foncées et claires et le papier de verre permet de faire ressortir la couleur foncée. Autre exemple : le "Concept Quatro", une technique à la chaux avec un gros grain de travertin moulu, qui est peigné et ensuite poli. Là encore, la finition est réalisée avec un vernis acrylique. Le woodlock avec patine texturée et colorée est une technique que j'ai moi-même conçue. Au fil des années, j'ai inventé une foule d'autres techniques et motifs. Tout ce que je réalise est toujours soigneusement documenté. À chaque projet ou technique que j'ai créé, j'enregistre les formules utilisées dans un livre afin de pouvoir m'y référer en cas de besoin".