Des scientifiques étudient des revêtements antigivre
Uniquement sur les zones cruciales
Le givrage est une préoccupation majeure dans de nombreuses industries et peut entraîner des arrêts, des risques pour la sécurité, la rupture du produit ou des coûts supplémentaires de carburant ou d'électricité. Toutefois, les systèmes d'antigivrage actifs augmentent les coûts d'exploitation et ne sont souvent appliqués que sur les zones cruciales. Le potentiel des revêtements, que ce soit en tant que système autonome ou comme solution complémentaire, n'est pas encore entièrement compris ni évalué. Les entreprises comptent sur l'utilisation de produits chimiques de dégivrage, de systèmes de chauffage électriques ou de bottes pneumatiques gonflables pour éliminer le givre. De tels systèmes d'antigivrage augmentent les coûts d'exploitation et ne sont souvent appliqués que sur les zones cruciales.
Scénario idéal
Les revêtements sont généralement appliqués comme couche protectrice pour minimiser la pénétration d'eau, pour empêcher la corrosion ou comme finition décorative durable. Les revêtements antigivre sont formulés soit pour repousser la glace et les gouttelettes d'eau, ou pour supprimer les noyaux glacigènes sur les surfaces ou encore pour réduire l'adhérence de la glace. Ceci peut être réalisé en abaissant le module d'élasticité, en diminuant l'énergie de surface, en libérant du liquide de lubrification ou en introduisant un glissement d'interface. Dans un scénario idéal, l'accumulation de givre est retardée ou le givre est enlevé uniquement par la force de son propre poids ou par le vent.
Les recherches à l'Université du Michigan
Selon le communiqué de l'Université du Michigan (UM ou UMich), son projet vise à développer des revêtements contenant des substances capables de modifier la température de congélation de l'eau, d'altérer la structure de la glace formée, de contrôler la croissance des cristaux de givre sur les surfaces et d'influencer l'adhérence du givre aux surfaces. L'équipe explique que les matériaux traditionnels utilisés pour résoudre ces problèmes présentent des inconvénients considérables. Si le sel de déneigement peut certes empêcher les rues et trottoirs de geler, il attaque également le béton et s'infiltre dans l'eau douce par ruissellement, avec des conséquences négatives sur la vie aquatique. A côté de cela, la pulvérisation de liquides de dégivrage sur les avions peut contribuer à la sécurité des vols hivernaux, mais les agents chimiques contenus dans ces liquides sont toxiques et peuvent donc également polluer l'eau et les voies navigables.
Plantes, animaux et microbes
"Au cours des sept ou huit dernières années, mon groupe a fabriqué des surfaces sur laquelle la glace présente une très faible adhérence. Ces revêtements antigel pourraient être très utiles pour plusieurs applications, comme les éoliennes, les lignes à haute tension ou les ailes d'avion", explique Anish Tuteja, chercheur en chef chargé du projet et professeur de sciences et techniques des matériaux à l'Université du Michigan. "Cependant, pour de nombreuses autres applications, il serait bénéfique d'éliminer totalement le givrage. Jusqu'à présent, éviter le givrage pendant des heures par des températures glaciales constituait un véritable défi."
Pour atteindre ces objectifs, l'équipe de chercheurs s'inspire des plantes, des animaux et des microbes. En effet, certains organismes produisent des molécules qui leur permettent de survivre après le gel de leur corps ou d'empêcher totalement leur corps de geler. La grenouille des bois, par exemple, produit des lipides antigel pour empêcher le givre d'endommager ses membranes cellulaires lorsqu'elle gèle en hiver. Elle produit des substances chimiques qui protègent ses cellules des dommages causés par le givre et abaissent la température à laquelle l'eau gèle. L'équipe a expliqué que les laboratoires d'Anish Tuteja disposaient ainsi d'un point de départ pour concevoir de nouveaux produits de dégivrage.
Alternatives biodégradables
D'autres organismes produisent également des molécules capables de 'nucléer la glace', qui stimulent la formation de glace à des températures plus chaudes que la normale. La bactérie Pseudomonas syringae, par exemple, produit des protéines de nucléation de la glace pour geler les feuilles des plantes, ce qui provoque l'éclatement des cellules végétales pour permettre aux bactéries d'atteindre les nutriments qui s'y trouvent.
Avec ces nouvelles molécules naturelles en laboratoire, les chercheurs tentent de trouver des alternatives moins toxiques et biodégradables aux produits de dégivrage chimiques actuels, mais aussi des cocktails moléculaires pour de toutes nouvelles technologies. "Lorsqu'on combine les molécules dans les bonnes proportions, le point de congélation peut s'abaisser davantage que ce qu'il serait possible d'obtenir avec chaque molécule prise individuellement", a déclaré Anish Tuteja, qui a en outre ajouté que les chercheurs devraient mesurer l'efficacité de plus de 5.000 molécules givrantes et antigel au cours de la première année du projet.
Autres revêtements antigivre
- En novembre 2021, Zentek Ltd, une entreprise canadienne de développement et de commercialisation, a annoncé la mise au point d'un nouveau revêtement antigivre à base de carbone et renforcé par des nanotechnologies.
- En avril 2022, des chercheurs de l'Université de l'Illinois à Chicago ont signalé qu'ils avaient mis au point des revêtements résistants au gel et sans danger pour l'environnement destinés à l'industrie aérospatiale, sous la forme de solutions, d'émulsions, de crèmes et de gels polymères. Ces formulations peuvent être appliquées sur l'aluminium, l'acier, le cuivre, le verre, le plastique ou d'autres surfaces industrielles sans prétraitement ni traitement de surface.
- Une équipe de chercheurs de l'Université de Tolède a développé un revêtement sous forme de bandes qui fait glisser la neige accumulée sur les panneaux solaires sans affecter leur efficacité. Ces revêtements peuvent être appliqués de façon relativement simple aux installations solaires tant neuves qu'existantes.
Sirris
Sirris est un centre collectif de l'industrie technologique belge fondé par Agoria en 1949, notamment dédié à l'innovation de produits. En préparation des tests de référence concernant les revêtements, les experts de Sirris ont contacté des fournisseurs du monde entier et ont identifié différentes technologies de revêtement.
Revêtements hydrophobes antigivre
Des revêtements élastomères durables ont été modifiés par des agents ou des groupes hydrophobes comme les silicones ou les fluorures pour réduire leur énergie de surface. Des acrylates de silicone hydrophobes et des revêtements de polyuréthane modifiés sont utilisés sur les pales d'éoliennes ou les navires. Certains fournisseurs sont en mesure d'adapter la composition du revêtement en fonction du niveau de durabilité requis.
Les nano-revêtements hydrophobes et les revêtements sol-gel (hybrides) offrent l'option de revêtements antigivre transparents qui peuvent être utilisés sur les pare-brise, les couvercles en verre ou les capteurs optiques. Ils combinent une bonne résistance aux intempéries avec une faible force d'adhérence du givre.
Surfaces d’aspect liquide
Polydiméthylsiloxane (PDMS) sous forme de liants ou infusé de fluides de lubrification, pouvant migrer vers la surface du revêtement pour former une couche liquide très mince à l'interphase du revêtement et de la glace. De tels revêtements sont capables de réduire l'adhérence du givre mais présentent l’inconvénient de l’épuisement du fluide lubrifiant et d’une faible résistance à l'abrasion.
Revêtements superhydrophobes
Les revêtements superhydrophobes sont basés sur l'effet feuille de lotus dans lequel les gouttelettes d'eau rebondissent sur la surface en raison d'un double effet de rugosité en combinaison avec des polymères à faible énergie de surface. Plusieurs entreprises vendent ces revêtements comme revêtements antigivre, bien qu'ils manquent souvent de durabilité et que l'utilisation soit limitée à des applications moins exigeantes. Ces revêtements sont utilisés pour empêcher la formation de neige et de glace sur les antennes paraboliques, les câbles conducteurs, les condenseurs, …
Afin de créer des surfaces plus durables, la recherche se concentre sur la réplication de surfaces structurées à l'aide de technologies laser ou d'ablation.
Crack it
Un nouveau type de revêtement a été développé pour faciliter l'élimination du givre grâce à une combinaison de liants flexibles et de segments plus durs dans la structure du revêtement. Si la surface givrée est mise en charge, de multiples fissures se produisent, ce qui permet d’éliminer le givre plus facilement.
Revêtements antigivre induits par la chaleur
Les revêtements chauffables thermiquement sont composés de particules conductrices qui génèrent de la chaleur lorsqu'un courant électrique est appliqué. Disponibles sous forme de peinture ou de rubans préparés, ils peuvent être utilisés sur de plus grandes surfaces telles que les ailes d'avion ou les pales d'hélice.
Projet COOCK Fighting Icing
Dans le cadre du du projet COOCK Fighting Icing, Sirris explore de nouvelles méthodes de détection de givre et comparera une série de revêtements antigivre et de surfaces structurées. L'objectif de ce projet est de démontrer le potentiel des systèmes d'atténuation du givre dans des conditions réalistes, en mettant l'accent sur l'exploration d'aspects importants tels que la durabilité et la réparabilité des revêtements, les économies d'énergie potentielles des revêtements lorsqu'ils sont utilisés en combinaison avec des systèmes de dégivrage actifs.