"La spécialisation, les conseils personnalisés et une approche globale sont les mots clés pour le peintre moderne”
En 2020, nous avions rencontré une première fois Tina qui, outre son rôle de présidente de la Bouwunie Peintres-Décorateurs, est également directrice/architecte d’intérieur chez T-interiors à Sint-Niklaas. À l’époque, nous étions en pleine pandémie de coronavirus et nous avions surtout parlé de son impact sur notre secteur. Aujourd’hui, le COVID-19 n’a pas disparu mais le virus est devenu ‘gérable’ et il a progressivement disparu de la une des journaux.
Quel regard porte-t-elle sur cette période troublée ?
“En tant que peintres, nous n’avons pas trop mal vécu le Covid 19. Avec les protocoles nécessaires, nous avons pu poursuivre nos activités dans des conditions de sécurité suffisantes. L’économie s’est relativement rapidement rétablie et nos peintres avaient des carnets de commande bien remplis, en partie grâce à la pandémie. Les voyages étant interdits, cela libérait un budget pour l’aménagement de la maison. Le télétravail a également entraîné une augmentation des travaux de peinture."
"Fin 2021, 92% de nos entreprises de peinture avaient suffisamment de travail, 36% en avait trop et 29% s’attendaient à encore plus de travail dans les mois à venir. Seuls 19% avaient moins de travail. 42% des peintres cherchaient même du personnel supplémentaire. L’offre ne parvenait pas à suivre la hausse de la demande. Les conséquences, nous les connaissons désormais : pénurie de matières premières, hausse des prix, inflation galopante, charges salariales plus lourdes et manque de personnel. Une enquête récente a révélé que cela fait baisser les carnets de commande et pousse les clients à reporter leurs projets. Dans les prochains moins, 4 entreprises de peinture sur 10 s’attendent à avoir moins de travail.”
Un problème critique auquel le secteur de la construction doit aujourd'hui faire face, c’est effectivement la pénurie de matières premières et la hausse des prix qui l'accompagne. À quoi s’ajoute la flambée des prix de l’énergie. C'est quoi l'impact sur le secteur?
“Pendant la pandémie, cela ne nous touchait pas trop, à quelques exceptions près. Mais une fois lancé, cela a été très vite. La situation en Ukraine a été un catalyseur supplémentaire. Les hausses de prix s’enchaînent et on ne semble pas près d’en voir la fin. Cela exacerbe la concurrence mais aussi la pression sur les prix et cela a un impact faramineux sur le rendement. Certains coûts peuvent être répercuté sur le client, d’autres non, et cela ronge les marges. Les devis ont une durée limitée et l’offre de prix est toujours assortie d’une clause d’augmentation possible. Même lors des confirmations de commande, il n’est plus possible de pratiquer des prix fixes."
"L’exécution des travaux en régie permet d’y pallier en partie mais tous les clients n’y sont pas ouverts et certains projets ne s’y prêtent pas. Par conséquent, la satisfaction des entrepreneurs de notre secteur est actuellement en berne. Seuls 35% sont réellement satisfaits de la situation (financière) de leur entreprise. En mars, ils étaient encore la moitié et en milieu d’année dernière 60% ! Chez les peintres, la flambée des prix de l’énergie se ressent surtout au niveau des déplacements en camionnettes. En dehors de ça, nous ne sommes pas de gros consommateurs d’énergie : nous ne produisons rien. Indirectement, nous le ressentons d’autant plus au niveau de la hausse des prix de nos peintures et de nos matériaux.”
Cela fait des années déjà que le secteur de la construction peine à trouver du personnel. Comment cela se fait-il sentir dans le secteur de la peinture ? La main-d’œuvre étrangère joue-t-elle encore un rôle et s’agit-il encore de concurrence déloyale ou d’une bénédiction pour le secteur ?
“Nous nous y sommes tout particulièrement intéressés dans l’enquête sectorielle de la Bouwunie publiée dans Bouwnieuws en février de cette année. Vu le volume de travail important, le besoin de main-d'œuvre est important. 42% des entreprises de peinture recherchent des collaborateurs. Dans 88% des cas, il s’agit de personnel en plus. Chez 38%, c’est (aussi) pour compenser le départ d’un salarié (retraite ou licenciement). Ce qui est marquant, c’est qu’il s’agit spécifiquement de personnes pour le terrain, pas de personnel administratif. À la question ‘trouvez-vous les bons collaborateurs ?’, personne ne répond ‘oui’. Pour 44%, la recherche est difficile et 56% ne trouvent tout simplement pas.”
Le mieux serait de collaborer, pourrait-on penser?
“Malheureusement, ce n’est pas le cas. Seuls 6 peintres sur 10 travaillent ‘parfois’ avec d’autres. Et uniquement en cas de pics d’activité (64%) ou pour de gros projets (62%). L’embauche d’étrangers est une autre paire de manches. Chez les entreprises de peinture, on voit une division suivant le marché. Les (plus) grandes entreprises de peinture gèrent généralement de (plus) grands projets et font appel à des travailleurs de l’étranger. Les petites entreprises et les indépendants travaillent plutôt pour les particuliers et l’Horeca et ont moins besoin de cette injection de travailleurs étrangers. Ce qui est de la concurrence déloyale pour les uns est une bénédiction pour les autres."
"D’un autre côté, cette problématique de pénurie de personnel est pour nous une occasion de réfléchir. Devons-nous poursuivre comme nous le faisons ou y a-t-il d’autres façons à envisager ? Faut-il remettre le modèle de marché dominant en question ? Doit-on vraiment toujours voir plus grand ? Ne serait-ce pas mieux de réduire, voir plus petit, faire moins et plus durable ? Cela aura un impact proportionnel sur les solutions que nous (devons) trouver.”
L’enseignement a-t-il un rôle à jouer par rapport à la pénurie de main-d’œuvre ? La formation de nos peintres est-elle en phase avec la réalité et les fédérations prennent-elles suffisamment d'initiatives en ce sens ?
“Je reste convaincue de la force de l’enseignement, malgré la forte baisse de flux entrant et sortant. Moins 30% sur les 10 dernières années ! Les professionnels qualifiés peuvent arriver dans le métier de peintre via tous les canaux : enseignement secondaire, formation en alternance, promotion sociale, reconversion... Pour cela, il est important de maintenir un enseignement de haut niveau. Il faut avouer que depuis quelques années, notre profession souffre – à tort – d’une dévalorisation. J’ai déjà maintes fois fait l’éloge de la beauté de notre métier, mais tant que la formation stagnera en bout de course du système en cascade, cela restera difficile d’en convaincre les jeunes. Et c’est bien dommage."
L’année dernière, la Bouwunie Peintres-Décorateurs s’est associée à la Confédération Construction Peintres flamands, Constructiv et IVP Coatings pour lancer une campagne d’image destinée aux futurs peintres. La campagne s’adresse aux jeunes et aux adultes et est constituée de deux volets : ‘Paint Panter’ et ‘Word Schilder’ (‘Devenez Peintre’, ndt). Le premier volet est spécifiquement centré sur l’enseignement secondaire en peinture, le deuxième volet s’adresse aux adultes qui envisagent de changer de carrière. Nous diffusons notre message via la radio et les réseaux sociaux. Les jeunes élaborent ensemble un projet pour mettre en avant leurs talents et encourager d’autres à suivre une formation de peintre-décorateur. Retrouvez plus d'informations sur www.paintpanter.be. Le site www.wordschilder.be génère énormément de visiteurs, ce qui démontre un fort intérêt pour la profession de peintre."
"Il est encore trop tôt pour avancer des chiffres au niveau de l’afflux mais la campagne est entretenue tout au long de l’année en ligne. L’année prochaine, nous prévoyons un nouvel événement avec la jeunesse. Les détails ne sont pas encore arrêtés, nous sommes en phase de brainstorming. Cette initiative est organisée par plusieurs petites organisations et reste donc relativement modeste. Pour avoir un réel impact, la campagne a besoin de plus de partenaires et de plus gros budgets. Nous avons associé notre action à la campagne de Constructiv – Nous construisons demain – en espérant ainsi toucher un public plus large.”
Comment voit-tu aujourd’hui le 'peintre moderne’ ? Que doit offrir une entreprise pour être ‘à la page’ ?
“Le peintre d’aujourd’hui est déjà bien plus moderne et tourné vers l’avenir qu’il y a deux ans. Les peintres sont eux aussi confrontés à un monde en plein changement : nous passons d’une crise à l’autre et nous devons faire face à des coûts colossaux et des chiffres d’inflation vertigineux. Nous avons des soucis de main-d'œuvre, le climat nous joue des tours et l’écologisation s’accélère, de même que la digitalisation sous l’impulsion du coronavirus, etc. Ça devient presque trop pour suivre, sans parler d’avoir des solutions toutes prêtes pour y faire face. On a presque l’impression de partir au combat."
"Pour moi, la clé, c’est de ‘rester positif’. Accepter les changements et se distancier des choses avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord. À tout moment, vous pouvez prendre des décisions, toujours. Mais chaque décision aura des conséquences et il faut en avoir conscience. Je reste une grande partisane de la collaboration : ‘Chacun sa spécialité et ensemble le projet sera bien mené’. Le respect et le savoir-faire sont des éléments cruciaux. L'organisation et la communication sont la clé du succès. Il faut laisser son égo de côté.
Et par rapport à la digitalisation: qu'en penses-tu ?
"Les peintres ne font pas exception, nous devons suivre le mouvement. Communication avec les clients, site web attrayant, réseaux sociaux, prospection active... Autant de choses que nous devons apprendre à maîtriser, même en tant que petit peintre. D’après notre enquête sectorielle de décembre 2021, 48% des peintres professionnels semblent activement impliqués sur les réseaux sociaux et 13% n’utilisent pas du tout ce canal.”
Qu’en est-il de l’adaptation de nouvelles techniques et de l’automatisation ?
“En cas de problème, ‘quelque chose de nouveau’ est souvent la solution. C’est propre à la réflexion humaine. Nous avons tendance à chercher une solution plutôt que de s’attaquer à la cause du problème. Tout doit toujours être plus rapide et plus efficace mais on manque de personnel, donc les équipements de pulvérisation spécialisé, les drones, les robots et les systèmes de mesure digitaux offrent une solution.”
Un autre fait frappant, c’est que le climat et l’impact de notre mode de vie (et de travail) sur l’environnement n’est pas – du moins actuellement – un sujet à la une parmi nos peintres. C'est vrai ?
“Pour l’instant, c’est ‘une notion encore vague’. En coulisse, on commence à en parler mais pas encore au premier plan. On attend du Green Deal européen une des plus grandes révolutions de l’histoire de l’industrie de la peinture. Nous avons récemment organisé au sein de la Bouwunie Peintres-Décorateurs une réunion ouverte ce thème, en collaboration avec l’industrie. Cela s’est limité à une simple énumération de tous les changements possibles dans le cadre de l’interdiction des produits chimiques et familles de produits chimiques dangereux dans l’industrie de la peinture. Les conséquences et bouleversements pour le peintre n'ont pas encore été abordés. Mais nous avons bien conscience que l’avenir sera plus vert et plus attentif à la sécurité. Que le recyclage n’en est plus à ses premiers balbutiements et est désormais incontournable. Mais la place du peintre et de l’industrie dans la démarche circulaire est encore loin d’être claire.”
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Opvallend is dat klimaat en de impact van onze leef- (en werk)wereld op het milieu een topic is dat – althans voorlopig – niet hard leeft onder onze schilders. Klopt dat?
“Ik noem het graag ‘een nog vaag begrip’. Achter de schermen gonst het, maar het sijpelt nog niet door. Van de Europese Green Deal wordt immers verwacht dat het een van de grootste revoluties zal zijn in de geschiedenis van de verfindustrie. Onlangs hebben we binnen Bouwunie Schilders-Decorateurs een open vergadering georganiseerd rond dit thema, samen met de industrie. Het bleef bij een loutere opsomming van alle mogelijke veranderingen binnen het verbod op het gebruik van gevaarlijke chemicaliën en families van chemicaliën in de verfindustrie. Concrete gevolgen en aanpassingen voor de schilder kwamen voorlopig niet op tafel. Dat het naar de toekomst toe allemaal groener en veiliger moet, begrijpen we. Dat recyclage al lang niet meer in de kinderschoenen staat, is ondertussen een feit. Maar hoe het schildersvak past in het circulaire verhaal, dat is nog lang niet duidelijk.”
Quelles sont les ‘problématiques actuelles’ pour le secteur selon toi ?
“Les réponses sont très diversifiées, en fonction du type d’entreprise. Les peintres indépendants sans personnel classent les formalités administratives en deuxième position. La charge de travail élevée est un problème plus important pour eux. La concurrence des peintres amateurs arrive en troisième place. Pour les peintres-décorateurs avec du personnel, trouver des collaborateurs qualifiés est le plus gros problème selon 94% d’entre eux, suivi par la charge de travail pour le gérant. Les formalités administratives arrivent en troisième position. La Bouwunie continue à se battre pour plus d’efficacité en réduisant les règles strictes et l’administratif."
"Outre les points problématiques, il est toujours bon de s’intéresser aux points forts de nos peintres. La plupart des peintres disent s’attacher à fournir un travail de qualité avec des produits de qualité. La spécialisation est également un must. Les conseils personnalisés et l’approche globale sont également un plus qu'ils mettent en avant. Outre les travaux de peinture et de papier peint, ils proposent aussi des décorations de fenêtre, des revêtements de sol, des petits travaux de construction sèche..."
"Et pour la première fois, travailler avec des produits écologiques apparaît sur la liste des points forts. La conscience écologique progresse et les peintres-décorateurs le constatent progressivement aussi sur le terrain.”
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